Dieu, le premier, loue l’homme. Les tout premiers mots sur l’homme qui vient d’être créé sont pour le louer : « Voilà, c’était très bon » (Genèse 2,31). Dieu jubile de bonheur devant l’homme né de sa Parole. A la louange, il ajoute la bénédiction pour l’avenir de l’homme par une promesse de fécondité. Manière de signifier qu’il restera toujours silencieusement, discrètement, à l’oeuvre.
Dieu continue sa louange de l’homme au long de l’histoire d’Israël : « Dieu a trouvé en David un homme selon son cœur » (1 Samuel 13,14), « As-tu remarqué mon serviteur Job ? Il n’a pas son pareil sur la terre » (Job 1,8).
Et dans le Nouveau Testament : « Je vous salue, Marie, pleine de grâce » (Luc 1,30). Jésus loue Jean-Baptiste : « Plus qu’un prophète ; de plus grand, il n’en existe pas parmi les hommes » (Luc 7,26). Jésus loue, admire et exulte au sujet de la pauvre veuve qui a mis deux piécettes dans le tronc du temple : « Elle a mis plus que tous ceux qui mettent dans le tronc » (Marc 12,41). Et il appelle ses disciples pour leur partager sa louange. Jésus loue Pierre : « Tu es heureux, Simon » (Matthieu 16,17).
« L’homme est créé pour louer Dieu Notre Seigneur » (Exercices Spirituels n°23). Ce n’est pas un commandement comme l’abrupt de la formulation ignatienne pourrait le laisser croire. C’est le constat que, le premier, Dieu jubile de l’homme. Louer est une manière de Dieu d’être en relation avec l’homme et réciproquement une manière de l’homme d’être en relation avec Dieu. La louange n’est pas à sens unique mais réciproque. Dieu a créé l’homme à son image pour être son interlocuteur, son allié. Voilà, dans la louange, une première manière pour Dieu et l’homme de se lier réciproquement et de commencer à accomplir le dessein de Dieu concernant sa création. J’ai beaucoup, infiniment plus de raisons d’être heureux de Dieu, de Jésus-Christ que d’être mécontent de moi.
Quand on parle de la louange, il est bon de distinguer louange et action de grâce. Les chemins de la louange diffèrent en Orient et en Occident. Pour remercier, nous occidentaux, nous restons centrés sur le don reçu ou sur nous-mêmes : « Je vous remercie pour ce livre magnifique,… pour l’aide que vous m’avez apportée… ». L’hébreu ignore cette manière de remercier en mentionnant le cadeau reçu. Il se laisse aller à son exubérance naturelle ; il se retire de la scène et centre sa joie sur le donateur : « Tu es merveilleux, tu es un grand cœur… ». D’où la petite différence entre action de grâce et louange : par l’action de grâce, je reste encore un peu fixé sur le don reçu. La louange, elle, ne parle pas de cadeau. Elle exalte Dieu, elle fait exulter en Dieu l’homme qui le loue. « Mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exulte en Dieu, mon Sauveur » (Luc 1,46-47).
Par la louange, le chrétien s’éduque à ne pas dissocier Dieu du monde et des événements de ce monde mais à les associer dans sa prière. La louange dérange en nous l’homme occidental, attaché au quantitatif, au rentable ; l’homme au regard glacial qui ne voit dans les évènements du monde que la résultante de forces idéologiques et économiques, sans être attentif aux traces lisibles de Dieu créateur et sauveur. Positivement, la louange nous met dans l’actualité quotidienne de Dieu. Elle est la manière constante, non seulement de penser du bien de Dieu mais de le dire à Dieu et de le dire aux autres. Par la louange, se tisse quotidiennement notre lien à Dieu (Isaïe 9, 1-6).
L’homme moderne fait des merveilles avec son esprit et ses mains mais souvent il récupère la gloire de ses oeuvres pour lui-même sans la rendre à Dieu. Mais il faut dire aussi que de vrais savants deviennent de plus en plus modestes. Ne seraient-ils pas de cette manière en route vers la louange ? Osée parle de ceux qui ont fait cette conversion : « Nous ne dirons plus Notre Dieu ! à l’œuvre de nos mains ». (Osée 14,4).