Écoutons le reproche adressé par le Seigneur à ceux qui se prétendent ses fidèles: « Votre amour ressemble à la nuée matinale, à la rosée qui se dissipe de bonne heure » (Osée 6,4). Autrement dit: vous commencez, et vous ne durez pas; vous venez, et vous repartez. Assiduité d’un matin, ou tout au plus d’un jour !
Il n’est pas difficile, en effet, de dire: « Je t’aime ». La difficulté commence quand on dit: « pour toujours », et surtout quand il s’agira de la réaliser. Car « toujours » dure longtemps. Tant que l’attrait exercé par l’aimé demeure vif, on reste attaché à lui sans effort ni peine. Mais pour que l’attrait ne diminue pas à mesure que se révèlent les « réalités de l’existence », celui qui aime devrait pouvoir le renouveler, pour le maintenir au moins dans sa teneur initiale. Artifice de l’amour ? Non, mais tout simplement vérité. Car ce qui hier vous attirait avec raison mérite de vous attirer encore aujourd’hui, si vous avez la force de vous élever du caprice à la fidélité, des récriminations aux mélodies. Personne ne voudrait dire: « je ne puis aimer »; mais chacun risque d’en arriver, un jour ou l’autre, à dire: « je ne puis plus aimer ». Car pour aimer toujours un même objet, il faut avoir une source au fond de l’âme. Il faut, à la fois, la force de se souvenir et la force de créer. Il faut inventer chaque jour ce qui doit durer chaque jour. Aimer peut être, parfois, une faiblesse; mais durer dans l’amour ou l’amitié est toujours une générosité, une victoire.